L’Analyse participative de politique publique
Le principal résultat de la Phase d'Analyse collective consiste en une Analyse participative de politiques publiques, qui décrit les principaux aspects de la politique qui devront être abordés au cours du processus de dialogue. Elle prend la forme d'un document de politique qui représente la base factuelle sur laquelle les délibérations de la phase de construction du consensus doivent se dérouler. En ce sens, elle joue un rôle crucial en garantissant que le dialogue se concentre sur des preuves réelles plutôt que sur des croyances, des préjugés ou des hypothèses non fondées.
Données probantes
Lire plus
L'un des principes clés qui sous-tendent la méthode INSPIRED est l'importance de s'appuyer sur des preuves réelles - données, statistiques, rapports d'évaluation, enquêtes, témoignages d'utilisateurs finaux, etc. - pour garantir la rigueur et la robustesse des recommandations qui résultent du processus de dialogue. Malheureusement, la culture de l'élaboration de politiques fondées sur des données probantes n'est pas aussi répandue qu'elle devrait l'être, et les décideurs prennent souvent leurs décisions quant à l'orientation d'une politique donnée sur la base d'autres facteurs - pression politique, inertie bureaucratique, nécessité de satisfaire leurs mandants ou groupes d'intérêt, etc. Cette tendance est aggravée par le rôle secondaire qui est généralement accordé à l'évaluation des politiques et par le peu de ressources qui lui sont allouées, en partie en raison de sa complexité technique, mais aussi de ses implications politiques.
Cependant, la méthode INSPIRED ne conçoit pas seulement la production, l'analyse ou le traitement de preuves comme une condition préalable à des politiques solides et durables, mais aussi comme un moyen d'instaurer progressivement la confiance entre les participants au processus de dialogue. D'où l'importance de veiller à ce que l'Analyse participative soit réellement basée sur la participation, et reflète dûment les discussions tenues par les parties prenantes tout au long de la Phase d'Analyse collective. Il va sans dire que ce travail conjoint implique également un processus d'apprentissage mutuel où les parties prenantes développent progressivement une vision commune des défis présentés par la politique en question et des différents angles sous lesquels les problèmes sociétaux peuvent être perçus.
Rédaction
Lire plus
En dépit de sa nature participative et de l'importance de refléter la diversité des idées et des points de vue qui auront certainement émergé au cours de la phase d'évaluation collective, en fin de compte, il faudra mettre les choses sur papier de manière claire et cohérente. Cette tâche est généralement confiée à un ou deux experts en politiques publiques engagés par l'Hôte du dialogue et dûment informés de la nature participative de l'exercice. Ces experts, qui sont souvent des universitaires ayant déjà conseillé des organismes gouvernementaux et produit des documents d'orientation, doivent non seulement connaître le domaine d'action concerné, mais aussi être capables de recueillir, d'examiner et de concilier les différentes perspectives qui se présenteront tout au long de la phase d'évaluation collective. En d'autres termes, même si le document résultant est techniquement irréprochable ou académiquement impeccable, il n'atteindra pas son objectif s'il est rédigé seul et sans tenir compte des suggestions et des contributions des parties prenantes. Par conséquent, les experts en politiques publiques doivent également intégrer les données probantes disponibles (ou produites à dessein) par les principales parties prenantes au processus de dialogue, par exemple par la production de données et l'octroi de subventions de recherche (voir ci-dessous).
Ceci est particulièrement important car la dynamique de confiance que la méthode INSPIRED cherche à instiller dans le processus de dialogue repose sur la nature collective de cette recherche, les parties prenantes étant invitées à considérer les éléments clés de la politique ciblée d'une manière ouverte et délibérative qui permet de développer progressivement une vision partagée des défis à relever. En outre, ces mêmes parties prenantes devront développer un fort sentiment d'appartenance à l'Analyse Participative, car il constituera la principale base de données probantes sur laquelle se dérouleront les discussions de la phase de recherche de consensus.
En d'autres termes, outre leurs compétences techniques, les experts en politiques doivent faire preuve d'une attitude ouverte et pédagogique vis-à-vis de leur travail, en restant conscients à tout moment que la valeur ajoutée de l'Analyse réside dans sa nature participative. À cette fin, le ou les experts politiques doivent faire un usage intensif d'outils conceptuels tels que les arbres à problèmes, l'analyse SWOT, etc., mais en les déployant comme des techniques de facilitation, afin que les parties prenantes impliquées dans l'analyse puissent déjà commencer à exprimer leurs différents points de vue, à exposer leurs positions et même à déverser leurs émotions concernant des aspects particulièrement sensibles. Même si cela prend du temps, il est essentiel de veiller à ce que chacun se sente partie prenante du processus.
Enfin, les experts en politique doivent s'appuyer sur les capacités existantes des parties prenantes, en stimulant leur participation proactive et en coordonnant leurs apports techniques par une division du travail qui tire le meilleur parti de leurs contributions. Par exemple, si une OSC est spécialisée dans le suivi d'un aspect donné de la politique - par exemple : les victimes de violence basée sur le genre, les plaintes concernant les violations des droits du travail, etc. - l'Analyse Participative doit baser ses conclusions sur ces sources et même essayer d'identifier les synergies potentielles avec d'autres parties prenantes ou encourager les moyens d'améliorer les méthodes de collecte de données par la collaboration.
Structure
Étant le résultat d'un effort collectif et en fonction du domaine politique qu'il aborde, l'Analyse Participative de politiques publique peut prendre différentes formes et s'appuyer sur une diversité de sources, mais il y a des éléments caractéristiques communs qui doivent être abordés.
Contexte et définition du problème
Cette section consistera en une introduction au sujet et en une première tentative de définition du problème, en le décrivant de manière aussi détaillée que possible et en analysant ses causes et ses conséquences pour les groupes cibles et la population affectée. Dans la mesure du possible, elle doit faire référence au contexte politique du pays afin d'inscrire le problème dans le cadre plus large de la politique nationale et locale.
Cette section doit également examiner l'adéquation de la réponse de l'État au problème donné, en décrivant les initiatives politiques prises par le gouvernement pour s'attaquer au problème en question et atténuer ses conséquences pour la population. Ces initiatives doivent être évaluées d'un point de vue pratique en analysant le budget national et en comparant les ressources allouées à l'ampleur réelle du problème. Une autre dimension à évaluer est le niveau de gouvernement dans lequel les décisions sont prises et les actions sont mises en œuvre (local, régional, national). Dans la mesure du possible, il faudra faire référence aux cadres de mesure des performances existants et à la qualité des données qui sous-tendent la ou les politiques en question.
Paysage politique
Cela doit inclure à la fois le cadre juridique de la ou des politiques en question (la description doit suivre une approche descendante en énumérant d'abord les conventions ou traités internationaux ratifiés par le gouvernement, puis les lois et règlements aux niveaux national et régional) et les différents outils gouvernementaux (cf. stratégies, plans d'action, agendas) et leur description (inclure également la durée, la portée, les résultats).
Mécanismes d'application
L'Analyse participative de politique publique doit également présenter les différentes organisations/agences institutionnelles ayant des compétences en matière d'application des lois et règlements sur le sujet et décrire leur rôle. Ensuite, il doit répertorier les différents types d'efforts d'application de la loi sur le sujet, ainsi que tout programme pertinent financé par l'État ou par des bailleurs de fonds.
Cadre institutionnnel
Cette section doit inclure les différentes parties prenantes identifiées lors de l'exercice de cartographie, avec une brève description de leur rôle, de leur fonction et de leur intérêt pour la politique en question. Elle doit également expliquer la manière dont les différents mécanismes de coordination mis en place par le gouvernement (cf. comités, commissions, conseils, directions générales, équipes ou groupes de travail interministériels, etc.) travaillent ensemble et contribuent à la mise en œuvre de la politique.
Indicateurs
Dans sa description de la situation actuelle, l'Analyse Participative de politiques publique doit faire constamment référence à des preuves concrètes sous forme d'indicateurs. Ces indicateurs de politiques publiques peuvent être de deux types principaux, en fonction de la personne qui prend en charge leur conception et leur suivi :
1. Indicateurs officiels: Dans la plupart des cas, les institutions publiques s'appuient sur le bureau statistique du pays pour concevoir et assurer le suivi des indicateurs politiques jugés pertinents par les autorités publiques. D'une certaine manière, ces indicateurs sont donc sanctionnés par l'État et devraient, en principe, constituer la source la plus fiable de données actualisées sur la situation dans un domaine politique donné. Toutefois, ce n'est pas toujours le cas, car dans de nombreux pays, la capacité technique des organismes chargés des statistiques reste très faible. Dans d'autres cas, les intérêts politiques peuvent introduire différents biais dans ce qui est mesuré et comment, ou même empêcher l'accès à ces mesures et aux hypothèses qui les sous-tendent.
2. Indicateurs non officiels: Un nombre croissant de domaines politiques sont également évalués par des initiatives internationales reconnues qui produisent des scores et des classements sur un large éventail de questions. Ces indicateurs peuvent être intéressants pour le processus de dialogue, surtout s'ils sont complétés par des indicateurs “faits maison” qui traitent spécifiquement de certains aspects clés du problème en question. Par exemple, dans le cas de la spoliation des terres au Myanmar, les OSC locales de certaines des régions les plus touchées (Mandalay et État Shan) ont suivi l'évolution de la situation en comptabilisant le nombre de cas traités par les comités de réexamen des terres par an, le nombre de restitutions de terres par an, le nombre de mécanismes de consultation avec les OSC et la population touchée, etc. Ceci illustre comment, lorsque les informations officielles sont insuffisantes, les parties prenantes du processus de dialogue peuvent proposer, concevoir et collecter leur propre série d'indicateurs politiques. Il faut préciser que ceux-ci doivent être réalistes et réalisables - c'est-à-dire adaptés aux capacités des parties prenantes impliquées dans le processus de collecte de données - et ne doivent pas nécessairement être quantitatifs, car les indicateurs qualitatifs peuvent également mettre en lumière les aspects pertinents de la politique et son impact sur les citoyens/bénéficiaires. Dans cette optique, confrontés au manque d'informations officielles sur la situation professionnelle des travailleurs domestiques au Cabo Verde, les participants au processus de dialogue INSPIRED ont élaboré ce qu'ils considéraient comme des indicateurs clés pour appréhender la situation : 1) le nombre de travailleurs domestiques inscrits à la sécurité sociale ; 2) le nombre de travailleurs domestiques recevant au moins le salaire minimum et 3) les conditions de travail, qui comprennent un certain nombre de facteurs (nombre d'heures de travail, jours de congé par semaine, vacances, etc.) qui ont été évalués au moyen d'une enquête ad hoc.
Il va sans dire que les deux types d'indicateurs sont complémentaires et qu'en les combinant, l'analyse fournira au groupe de parties prenantes une vision plus complète du problème en jeu et des solutions potentielles qui tiennent compte de la situation dans son ensemble. En ce qui concerne le problème de l'accès à l'information, le processus de dialogue devrait toujours explorer les synergies potentielles avec des initiatives telles que le Partenariat pour un gouvernement ouvert, l'Initiative mondiale pour la transparence fiscale, ou l'Initiative pour un budget ouvert, pour ne citer que quelques-unes des actions et indices internationaux les plus marquants sur l'accès à l'information qui ont proliféré au cours de la dernière décennie.
Conclusion
Enfin, l'Analyse participative de politique publique présentera une série de conclusions et/ou de résultats des réunions de consultation menées au cours de la phase d'évaluation collective, proposant des moyens de résoudre les problèmes identifiés par un dialogue politique inclusif et participatif. Aussi contradictoire que cela puisse paraître, ces conclusions ne doivent pas être trop "concluantes", car leur fonction n'est pas de proposer des solutions à un stade aussi précoce du processus mais, au contraire, d'alimenter les débats qui auront lieu pendant la Phase de Construction du consensus.
Last updated